une visite
un article du Dauphiné
un avis de décès une visite
La photographie
la chambre n'a pas changé
elle est là dans un coin
maintenant que le magasin est fermé vendu
et que tu as pris ta retraite la mère
quand tu t'es installé
elle git là
comme un tapis moisi
comme une semelle dépareillée
comme une boite à musique dont tu as perdu la clé
ils avaient dit qu'ils revenaient
ils pensaient qu'ils reviendraient
la chambre n'a pas changé
lumineuse
claire
dents de perles
la photo de la jeune fille
Georgia
on my mindune jeune fille
grise qui bouge dans un film muet
aux cheveux touffus
du Mississippi
elle rit elle regarde le fleuve
elle nous regarde
plus tard elle meurt
en avalant de la soude caustique
dans un HLM en 1967
je l'ai rencontrée au Bon Pasteur
un peu amies
elle habite l'immeuble où vit ma couturière
le surnom du film l'a dévoré
je ne sais plus ni son nom ni son prénom
J'ai trouvé par hasard celui de l'actrice dans les films de Charlot:
Georgia Hale
Sur les étagères
dans les placards
entre les vieilles hosties
et les reliques
la visite de l’évêque et de la princesse
les petits chevaux qui tournent en rond dans le jouet
le temps ne passe pas
pas de musique
un oiseau mort
un oiseau mort
un oiseau mort
un oiseau mort
un oiseau mort
un oiseau mort
un oiseau mort
Cruelles oiselles
Celles qui avalent des aiguilles à repriser chaque fois qu'elles sourient
Celles qui s'asseyent sur un siège de vertèbres
Celles qui tissent des persiennes d'ennui
Celles qui ferment les fenêtres quand vient le printemps
Celles dont le deuil est l'exultation de la santé
Celles qui marchandent les romans photos
Celles qui voyagent dans les salles d'attente
Celles qui noient leurs parents dans des bassines en zinc
Celles qui sont un corps de trop ou pas assez tous les jours
Celles qui mettent des crocodiles empaillés sous le buffet Henri II
Celles qui ouvrent leur parapluie sous une averse d'horloges
Celles qui cirent les marches des escaliers en ruine
Celles qui tricotent des moufles pour le soldat inconnu
Celles qui entrebâillent leur corsage pour laisser respirer la vipère
Celles qui comblent les puits avec des hosties
Celles qui tombent des nues dans la fosse d’orchestre
Celles qui il ne m'a pas oubliée il viendra elle viendra dimanche prochain
était occupé n'a pas pu venir cette fois
Celles dont les vêtements tremblent dans les ascenseurs
Celles qui vont au théâtre à travers les trous de serrure
Celles qui ne connaissent qu'un seul nom de rue comme pays
Celles qui ne savent ni le prénom de leur père ni celui de leur mère
Celles qui voient la mer sur le couvercle de la boite de biscuits
le sourire de celles qui écoutent les pierres
Celles qui font de la tapisserie un bégaiement chromatique
Celles qui prient des chiens à géométrie variable
Celles dont la lampe de chevet est un gros rat noir hargneux
Celles coupables des crimes commis en rêve par des femmes grecques
Celle qui envoie la même carte postale de la tour Eiffel chaque nouvel an
Celles dont la mère est morte avant leur naissance
Celles pour qui ont des oiseaux morts comme frères
Celles qui entendent les voix des héros et ne comprennent pas la langue qu'ils parlent
Rêve de lune
je regarde la lune dans le ciel peu à peu elle me pénètre
et devient mon ventre
j'ai le rayonnement de la lune à la place du ventre
on frappe violemment à la porte
je me réveille en sursaut et de mes yeux embrumés
j’aperçois
un petit type brun
c'est l'aiguiseur
non merci je n'ai rien à aiguiser
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